CONTRIBUTION
Ce président est déroutant d’inconstance. Il annonce une année sociale, il maltraite enseignants, médecins, élèves – Pays de paradoxes où l’augmentation de la croissance s’accompagne de la croissance de la pauvreté
L’appétit vient en mangeant. A force d’errer dans les couloirs feutrés du palais, le républicain président acquiert des goûts royaux, avec ses ors, ses fastes, ses fantasques réceptions politiques, ses cours laudatrices. Il s’est taillé une stature de monarque, inamovible, appelé à régner …cinquante ans. Comme le rêvait le père qu’il a détrôné.
Et les rois, on le sait, règnent à partir de palais. Qu’ils héritent ou qu’ils se font construire. Le président en voie accélérée de «monarchisation» se découvre des sentiments anticolonialistes : il va, à défaut de casser l’actuel palais pour cause d’origine coloniale, comme les djihadistes au Mali (il ne veut pas se retrouver à la CPI), il va en construire un autre, qui sera sans doute «national, démocratique et patriotique».
Parce que, on le sait, les monarques qui rêvent d’éternité, ne voient jamais leur règne finir. Leur présent est leur postérité, qu’ils veulent absolument paver de souvenirs grandioses : palais, tours et, modernité oblige, d’autoroutes, de grandes salles de conférences pour les dissertations de sa seigneurie et de ses semblables.
C’est au cours d’une de ses envolées devant des sujets en transes, que le président fit la plus grande annonce d’un septennat usurpé : il va construire un autre palais dans la prochaine deuxième capitale de son royaume : Diamniadio. Un monarque républicain, ne peut se suffire d’un Palais construit par de haïssables colonialistes. On peut sans doute être un roi sans couronne, mais pas un monarque sans des Palais-bunkers. On se souvient d’un président qui se fit couronner roi au 21ème siècle.
Si on n’ose plus se promener la tête couronnée, on peut en exposer les signes extérieurs, comme des palais, des constitutions sur-mesure adoptées par des référendums biaisés. Oui, on peut singer les monarques dans une République dévoyée, avec des zones interdites aux manifestations comme les bantoustans sous l’apartheid.
Dans un pays appelé Sénégal, qui jusque-là n’avait qu’une rare et très périssable richesse appelée démocratie, sa capitale est constituée de deux zones séparées par un no man’s land : dans l’une, on peut y marcher, courir, s’asseoir et, même voler ou tuer des enfants, violer des femmes qui ont l’outrecuidance d’avoir des formes naturelles, humaines, mais qui s’habillent avec des tenues «appels au viol» et, il y a une autre zone de cette capitale où règne l’ordre monarchique. Il est interdit d’y respirer les gaz des grenades de sa majesté ; interdit de troubler le calme de la «communauté internationale», «partenaires au développement».
Ceci n’est pas constitutionnel ! Ceci viole la constitution qui reconnaît le droit de marcher, manifester, hurler sa joie comme sa rage, voire sa haine. Evidemment, il n’y a qu’un monarque pour s’asseoir sur une constitution démocratiquement adoptée par un peuple supposé souverain. Ce qui est ahurissant, c’est le fait qu’il n’y ait personne dans le camp du monarque pour lui rappeler l’égalité des citoyens partout dans le territoire national. Leurs sources de vie ont tragiquement pris le pas sur leurs raisons de vivre. La sécurité du palais et la sérénité de son occupant provisoire, sont plus importantes que les droits et libertés des citoyens.
Ce président est déroutant d’inconstance. Il annonce une année sociale, il maltraite enseignants, médecins, élèves. Bref, toute la République des actifs. Il annonce l’autosuffisance en riz, les populations du nord et du sud-est, sont au bord de la famine. Et le président veut se faire construire un palais ! Un troisième après celui de l’avenue Roume et de Popenguine, alors que plus de vingt mille étudiants sont dans la rue parce que le gouvernement de sa majesté est presque insolvable malgré les chansonnettes sur un taux de croissance de 7,2 %. Pays de paradoxes où l’augmentation de la croissance s’accompagne de la croissance de la pauvreté ! Exceptionnel Sénégal !
Demba NDIAYE,
Éditorialiste de seneplus.com