CONTRIBUTION
Le discours que vient de prononcer le président Macron à Ouagadougou s’est déroulé dans un contexte marqué par l’ampleur des problèmes migratoires et sécuritaires et par la prise de conscience marquée de la société civile africaine sur des sujets majeurs qui interpellent la France comme le franc Cfa, la démographie ou encore la situation esclavagiste en Libye. Fort des recommandations du conseil présidentiel pour l’Afrique, le chef de l’Etat français s’est efforcé de décliner une nouvelle stratégie, même si par convenance verbale, il s’est défendu de décliner une politique africaine de la France préférant le terme de proposition et de partenariat.
La communication semble avoir été bien préparée au regard du contexte (discours tenu la veille du sommet Afrique – Europe) et du lieu, le Burkina un pays dont le choix a surpris plus d’un. A cela s’ajoute un paradoxe : le Sénégal, un pays phare naguère très convoité par les présidents français et américains pour délivrer leur message en Afrique et que peine à visiter le président français plus de 6 mois après son élection, malgré quatre déplacements en Afrique. De mon point de vue, ce choix d’un Sénégal relégué au second plan dans les visites sur le continent est une erreur diplomatique. La lecture de ces différents indices m’avait amené à penser que le président Macron allait exprimer une volonté de rupture, malgré le caractère indéboulonnable de la relation France – Afrique.
Anticipant les réactions d’une jeunesse burkinabé hostile, le président Macron semble avoir trouvé une parade : imaginer depuis Paris deux éléments d’apaisement pour ne pas perturber la visite, à savoir la déclassification des archives sur l’assassinat de l’ex-président Sankara et la volonté de tout faire pour faciliter l’extradition de M. François Compaoré. Deux annonces sur lesquelles, les Burkinabé pourraient vite déchanter dans la mesure où déclassifier des archives n’est pas forcément synonyme de révélation directe de secrets d’Etat et sur François Compaoré, M. Macron a peu d’emprise sur une justice française indépendante.
Le positionnement imaginé par l’Elysée semble avoir mis en avant une posture d’humilité doublée d’une Diplomatie de l’émotion générationnelle (Deg) ; le président rappelant à chaque instant son appartenance à une génération qui est née après la décolonisation en utilisant un langage direct, parfois peu diplomatique. Cette nouvelle option semble trancher avec celle du ni-ni de François Hollande que nous avions en son temps qualifiée de diplomatie de la Loterie (Dl), terme repris dans une de ses publications par le célèbre journaliste de Radio France International M. Christophe. En effet, M. Hollande misait toujours en même temps sur les deux facettes du problème à résoudre, espérant en recueillir les dividendes quelle que soit l’issue.
Cette nouvelle posture du président français risque hélas de rencontrer deux types de résistances provenant d’une part de rapports étatiques franco-africains difficiles à réformer et, d’autre part, d’une jeunesse africaine qui veut tourner la page de la France.
Sur le fond, malgré le déplacement du centre de gravité du thème contesté de la démographie vers l’éducation des jeunes filles et des annonces nouvelles comme le lancement d’une initiative salutaire de mobilité croisée, mes attentes restent entières. Sur la Francophonie, une proposition d’intégration dans le système éducatif français d’une langue africaine aurait été une option saluée. Au plan économique, je me demande comment une France en crise du point de vue de son déficit budgétaire et de la croissance pourrait tenir l’annonce consistant à consacrer de 0,55 % du Pib à l’aide publique au développement ; par ailleurs, ne pas dire un mot sur une problématique aussi importante que le Franc Cfa a été de mon point de vue une erreur. Au plan culturel, l’annonce consistant à organiser les conditions de la restitution des œuvres d’art africain dans 5 ans est à saluer, mais le calendrier de mise en œuvre d’une telle mesure semble inadéquat.
Une vraie rupture aurait été pour le président français de proposer des avancées sur le Franc Cfa, d’annoncer la révision du dispositif législatif français interdisant à l’Hexagone de restituer les biens mal acquis saisis en France sur des dirigeants africains, de dire comment il compte organiser l’érection de partenariats économiques gagnant gagnant sur fond de transfert de technologie. Nous nous attendions aussi à des déclarations rassurantes sur l’impunité dont bénéficient quelques citoyens français ayant commis des délits ou crimes en Afrique. Très souvent, l’Hexagone demande leur jugement en France mais en fin de compte, ils sont tous libérés. C’est le cas des responsables de l’Arche de Zoé et des jeunes soldats français interpellés lors du saccage de l’Agence de la Bceao à Bouaké en Côte d’Ivoire. Des propositions de solution étaient attendues sur les flux financiers illégaux provenant d’Afrique qui vont irriguer les paradis fiscaux occidentaux.
Enfin, j’attendais le président Macron sur une question économique de fond, à savoir les solutions que la France entend préconiser pour mieux démocratiser ses dispositifs de financement consacrées à l’Afrique en leur permettant de soutenir non plus les entreprises françaises seulement, mais aussi les Pme locales.
Magaye GAYE
Consultant
Ancien de la Boad et du Fagace
Président du parti sénégalais «La Troisième voie»