Le textile africain, notamment sénégalais, doit davantage être soutenu avec la mise en place d’industries dynamiques et un assainissement du marché des tissus. Les créateurs ont lancé ce cri du cœur, hier, en marge de l’ouverture d’un salon sur le pagne.
Il y a de la valeur ajoutée dans la promotion du pagne africain, notamment le modèle sénégalais. Mais, les créateurs, bien que plus ou moins satisfaits des tendances de la demande dans la sous-région et hors du continent, pensent que l’Etat ne l’a pas compris. Ils ont lancé leur cri du cœur, hier, en marge de l’ouverture officielle de la seconde édition d’un salon sur le pagne, à Dakar. Occasion pour les acteurs de mettre à l’index beaucoup de problèmes qui freinent encore la promotion du pagne africain, notamment le modèle sénégalais. Il s’agit notamment de la contrefaçon, selon les participants au panel organisé dans le cadre du salon sur le pagne. Les produits contrefaits et copiés à partir du modèle du pagne en coton, sapent le marché. Ce qui pousse les créateurs à se demander pourquoi les produits ne sont pas freinés, oubliant que cela est lié à la libéralisation du marché. D’ailleurs, les produits ne désemplissent pas les étals, positionnés nez à nez avec les ateliers, magasins et stands des créateurs locaux. Il suffit de faire un tour dans les marchés et loumas de la capitale sénégalaise pour le constater.
Selon les témoignages d’une vendeuse, les produits, contrefaits sont vendus à bas prix. A l’en croire, les pagnes et tissus, contrefaits, mélangent le coton au nylon. Conséquence : ces produits se détériorent facilement. Pis, les produits contrefaits, recyclés, ont fini d’augmenter la quantité d’objets insalubres dans la capitale.
L’accès aux produits n’est pas toujours aisé depuis que les usines ont mis la clé sous le paillasson à cause des problèmes économiques. Aujourd’hui, les pagnes et tissus, retrouvés sur le marché sénégalais sont, pour la plupart, importés de la sous-région, de pays comme la Côte d’Ivoire, le Bénin, la Guinée, le Tchad…Cela est dû à l’absence d’industries encore dynamiques. Celles sénégalaises de Thiès, de Tamba… font leur relance clopin-clopant. Suivant ces faillites, les créateurs appellent les autorités à mettre en place des mesures d’accompagnement. La concurrence entre pays est aujourd’hui sauvée par la forte demande, selon Yolande Adja, coordonnatrice du salon. Qui fait aussi remarquer qu’il y a le problème de l’accès aux matières premières ainsi que des conditions de travail pour être plus productif.
Des pagnes à sous pour l’industrie européenne
Ironie du sort, ces pays importent pour la plupart le textile. Conséquence : le reflet identitaire, incarné par le pagne, a comme revers l’enrichissement des industries européennes qui ont désormais le monopole du textile. Certains pays africains comme la Côte d’Ivoire ont néanmoins l’avantage d’avoir une agriculture et des industries cotonnières. Les commerçants, créateurs souhaitent qu’il y ait le retour des industries textiles. Pour eux, cela est indispensable car la demande en produits textiles, notamment le tissu, le pagne, devient de plus en plus importante puisqu’il y a beaucoup de nouveaux produits créés et que les consommateurs, notamment jeunes, s’habillent aujourd’hui à l’occidentale à partir du pagne. Une astuce que les créateurs ont bien comprise et font tout pour couvrir la demande.
En marge du panel sur l’entreprenariat, des créateurs qui travaillent sur le pagne ont posé le problème de l’accès au financement. En cela, les bailleurs ont rappelé les conditions et procédures à suivre pour accéder aux fonds mis à la disposition des artisans. Mais pour certains, les conditions de remboursement ne leur facilitent pas la tâche.
Les créateurs sont, en attendant, obligés de travailler avec les produits importés à défaut de relancer l’industrie du textile, à l’agonie, malgré les tentatives de relance, au niveau national, et de trouver une alternative aux contrefaçons de pagnes et tissus qui pullulent sur les marchés, faute d’une rigoureuse reconnaissance des droits du créateur. «C’est très difficile de protéger nos créations parce que les gens arrivent toujours à copier sans être inquiétés. Ce, en modifiant un tout petit peu le modèle», fait constater, par exemple, une vendeuse et créatrice.
Emile DASYLVA