CHRONIQUE DE SIDI
En retournant à la Mecque, Mouhamed (PSL) était empli d’enthousiasme. Le périple qui l’avait mené à Taëf ne s’était pas terminé dans l’humiliation que les enfants et les malades mentaux qui ont été chargés. Les nombreuses pierres qu’il reçut ne firent que lui ouvrir la grande voie. Alors au bord du découragement, le cœur meurtri, le Tout-Puissant l’avait mené là où aucun homme ne s’était aventuré. Le Seigneur l’avait élevé jusqu’au firmament de l’exaltation, de la sublimation. Malgré les difficultés portées par ses nombreux ennemis qui l’attendaient à la Mecque, le prophète Mouhamed (PSL) était tout confiant, sachant qu’il n’était absolument pas seul.
Sans Abu Talib, son oncle et protecteur dans la cité, il fallait à s’appuyer sur un notable pour ne pas finir entre les mains de geôliers ou de bourreaux. A son retour, Mouhamed (PSL) se soumit à cette tradition séculaire de la Mecque qui voulait que les visiteurs trouvent avant d’arriver un notable protecteur et garant. Toléré et non accepté à la Mecque, le Prophète était ausculté. Ses déclarations minutieusement disséquées. On cherchait la moindre faille pour renforcer la contestation déjà pressante qui lui était opposée. Un jour, juste après son ascension aux côtés de l’Ange Gabriel, sur le dos d’al-Burâq, l’éclair, à la rencontre d’autres Messagers de Dieu, qu’il dirigea à la prière, Mouhamed (PSL) était assis à côté de la Ka’ba en train de méditer. Abu Jahl, qui semblait surveillait plus que quiconque les faits et gestes du Prophète, lui demanda, sur un ton empreint d’ironie, comment il allait et qu’est-ce qu’il avait de nouveau à enseigner. Dans un élan de sincérité, le Prophète l’informa qu’il a été conduit la nuit dernière à Jérusalem. Croyant entendre là une ineptie, Abu Jahl lui fit répéter ce qu’il venait de dire. Le Prophète (PSL) le réitéra. « Si j’appelle les autres, leur répèteras-tu ce que tu viens de me dire ? », questionna Abu Jahl, malicieux. Dans sa grande mécréance et méchanceté, il allait aider le Prophète à regrouper les gens afin de leur faire entendre les paroles du Seigneur. Quand il eut terminé son récit du voyage nocturne, on se tapait sur les épaules. Dans la moquerie, on lui demanda s’il avait pu avoir des ailes cachées aux humains. Certains dirent que même s’il volait, il ne pouvait se rendre à Jérusalem et revenir la même nuit. Les talons tournèrent. Et plus que jamais, il était considéré comme aliéné. Comme pour le tester en vue d’étaler son ignorance, quelqu’un lui demanda s’il avait pu voir, durant son voyage, une caravane qui avait quitté la Mecque en partance pour la Syrie. Le prophète Mouhamed (PSL) leur donna des indications précises sur la caravane et même le moment de son retour à la Mecque. Il ne s’arrêta pas à cela. Le Prophète leur raconta des détails de son voyage, les points d’eau entourant l’Arabie qu’il avait vus… Mais rien n’y fait. Leur cœur était déjà aveuglé. Malgré les informations qu’ils savaient fustes, les gens, dans leur écrasante majorité, demeurèrent dans la négation. Dispersés, certains partirent raconter ce qu’ils venaient d’entendre de quelqu’un qui se disait prophète. Abu Bakr eut vent des ragots et alla trouver son ami à l’endroit où les incrédules l’avaient laissé. Quand il le trouva, il le questionna sur ce qui se racontait. Le Prophète le lui confirma et donna même d’autres descriptions qu’il n’avait pas faites aux autres. Abu Bakr, entouré de quelques Mecquois, s’écria : «Je te crois ; tu dis toujours la vérité». Devant ce tas d’incrédules, dans ces ténèbres, Abû Bakr parut comme une vive lumière et gagna son surnom de «Siddîq».
Le prophète Mouhamed (PSL) voyait l’Islam tellement grand qu’il ne pouvait se contenter des quelques personnes qui se convertissaient. Il saisissait l’occasion des pèlerinages à la Mecque pour prêcher et demander aux habitants, qui venaient prier les dieux à la Ka’ba, de se convertir à l’Islam. Les notables, qui tenaient à ce que le Dieu unique de Mouhamed (PSL) ne remplace pas les leurs, continuaient à peser de toute leur influence pour l’isoler dans sa propre cité. En tissant des relations avec les pèlerins, le prophète Mouhamed (PSL) gagna la confiance de certains notables de Yathrib (Médine). La cité était tellement symbolique pour lui qu’il entrevit un signe du Tout-Puissant. A Yathrib, deux grandes tribus (Aws et des Khazraj) s’opposaient depuis des décennies. Aucun pacte ne semblait pouvoir tenir entre eux. Les longs temps de guerre avaient fini par ancrer l’hostilité, l’animosité. Les premiers contacts du Prophète (PSL) avec des habitants de Yathrib furent encourageants. Plus les années passaient, plus les contacts se raffermissaient. Le prophète Mouhamed (PSL) avait inculqué à ces Médinois les valeurs de l’Islam, leur parla du Coran et de son Message. «N’adorer aucune autre divinité que Dieu, ne commettre ni vol, ni adultère, ni infanticide, ne pas proférer de mensonge de leur invention et ne jamais désobéir au Prophète en ce qui était juste et raisonnable». Un message que ces adeptes médinois avaient réussi à transmettre à beaucoup de leurs compatriotes. A travers le prophète Mouhamed (PSL), Aws et Khazraj trouvaient un tampon en mesure de transcender leur rivalité. Mouhamed (PSL) allait tourner le dos à la Mecque hostile, pour Médine d’où tout était parti, d’où tout repartait.
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Par Sidi Lamine NIASS
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