Pourquoi Karim WADE a été libéré nuitamment ?
Pourquoi Macky SALL a accordé une grâce présidentielle au fils de son prédécesseur ?
Pourquoi Idrissa SECK parle constamment de deal ?
Comment, entre 2011 et 2015, Karim WADE est passé de honni à béni ?
Pourquoi la CREI, cet instrument de victimisation, a été chargée de juger WADE-fils?
Comment cela se fait que Karim WADE a été le seul ministre de WADE à avoir été emprisonné?
Pourquoi les socialistes, l’AFP et le PS, les adversaires traditionnels des libéraux, sont en perte de vitesse, divisés ?
Sept questions parmi tant d’autres qui taraudent l’esprit de bon nombre de Sénégalais. Un ouvrage, essai politique, intitulé «Affaire Karim WADE/Macky SALL : la double victimisation gagnante de Me WADE (la Grande Entente)», écrit par le journaliste Mame Birame WATHIE et préfacé par Sidy Lamine NIASSE, tente d’y répondre. 190 pages qui résument la politique sénégalaise de ces quinze dernières années.
Extraits…
Depuis plus d’une décennie, les Sénégalais n’ont pu s’empêcher d’entendre le nom de Karim Wade résonner, se mêlant à tout ce que le pays produit comme sonorité. Aux côtés de son président de père, le jeune garçon a tout éclaboussé sur son prodigieux passage. Du ciel à la terre, il dominait tout, et pas que de sa seule grande taille. A en croire Jeune Afrique[1], il se serait trouvé 24 fois à la Une des quotidiens et plus de 200 articles de presse lui seraient consacrés au seul mois de décembre 2007. Tel César Borgia rêvant de précellence, il était, à lui tout seul, une superpuissance dont le seul regard suffit à estropier un buffle. Au plus haut sommet de l’Etat, on ne jurait, ne respirait, n’existait que pour servir le fils bien-aimé de Sa Majesté. Etranger pour les Sénégalais qui ne le voyaient qu’à travers le petit écran qu’il occupait continuellement, « Karim est aujourd’hui surnommé Monsieur 15 % alors qu’au début de 2007, on l’appelait Monsieur 10% »[2], les informa Marcia Bernicat[3]. Seigneur des grands patrons, impopulaire il le demeura jusqu’à la chute du régime de son père protecteur. Ainsi arriva Macky Sall! Président de la République, il fait de Karim Wade l’ennemi numéro un de l’Etat. C’est une demande sociale, le peuple veut que le garçon paie. Et c’est parti ! Désigné comme celui qui a conduit la nation à la banqueroute, Wade-fils est bousculé, égratigné et emprisonné.
Trois ans plus tard, les preuves de sa culpabilité demeurent plus que jamais contestables et Karim Wade est complètement transformé. Il n’avait pas gagné le bureau où il avait voté lors des élections locales du 22 mars 2009 mais réussit à enfiler le costume de présidentiable avec des chances d’être élu de plus en plus réelles. Perçu jusqu’à son emprisonnement, par bon nombre de Sénégalais, comme un arriviste hautain, Wade-fils observe, depuis sa cellule, près de cinquante mouvements de soutien, éparpillés un peu partout dans tout le territoire sénégalais, se constituer en sa faveur. Dans presque tous les foyers religieux, il est décrit comme une victime à qui des prières sont régulièrement dédiées. Alors qu’est-ce qui s’est passé ? Comment une telle métamorphose a-t-elle été possible ?
Abdoulaye Wade, qui conjecturait 50 ans de libéralisme, commença à manœuvrer réellement en 2004, à trois ans de la présidentielle qui suivait celle qui l’a consacré. Pendant que Macky Sall s’installait à la Primature, focalisant toute l’attention de l’ascension, Karim Wade se voyait confier, deux mois plus tard, en juin 2004, la présidence du Conseil de surveillance de l’Agence nationale de l’Organisation de la conférence islamique (ANOCI). Au même moment, Idrissa Seck, démis de ses fonctions de Premier ministre, se précipitait dans l’opposition poursuivi pour des affaires de kleptomanie. Depuis cette année-là, par un jeu de rôle aussi perspicace que dangereux, Maître Wade aura réussi à faire de Macky Sall son successeur en organisant sa disgrâce. Elu à la magistrature suprême devant des ténors aguerris par des décennies de militantisme, le président Sall serait en phase de lui rendre la monnaie de sa pièce, en taillant à Karim Wade ce costume de présidentiable. Plus d’une décennie de manœuvres qui aura mobilisé les efforts de toute une nation. Si au Sénégal cette Grande Entente n’est pas perçue ou ne suscite aucun intérêt, les Américains, par contre, semblent s’en être imprégnés. Très intrigué par les combines de Maître Wade, leur ambassadeur décrivait le Sénégal comme une « démocratie faiblissante où le père et le fils sont plus occupés à ouvrir la voie à une succession présidentielle dynastique et à tirer les ficelles du monde machiavélique de la politique sénégalaise »[4]. Macky Sall l’élève fidèle à la loyauté manifeste, s’en sort à merveille. Malgré les grands travaux qui lui ont été confiés, les énormes ressources dont il disposait et l’immense influence dont il jouissait, Karim Wade peinait à se faire accepter par les Sénégalais qui le considéraient comme un étranger bigrement hautain. Trois ans après l’avènement de Macky, le visage du fils de Me Wade, le seul ancien ministre emprisonné, a réellement changé. Pris au collet et accusé d’avoir illicitement acquis 694 milliards de francs CFA, par une Cour consciencieusement choisie, Karim Wade est donné en exemple par un régime prônant une politique dite de bonne gouvernance et de rupture. Et pendant que le long procès, émaillé de toutes les irrégularités, esquive ses véritables dégâts, Karim Wade gagne cette empathie des Sénégalais qui lui faisait tant défaut. Sans bouger, il s’affirme comme un véritable ténor politique. Un leader investi candidat du Parti démocratique sénégalais (PDS), fondé par son père et grandement convoité. Et, malgré tout ce qui a été dit sur sa gestion, la Justice indique qu’il n’est coupable que d’Enrichissement illicite. Un chef d’accusation que beaucoup de Sénégalais peinent à traduire dans leur langue maternelle. Karim Wade, dans la peau de la victime toute tranquille, admire sa popularité grimper chaque jour davantage. Quelques longues et pénibles années de prison, passage de beaucoup de dirigeants, pour conjurer définitivement le mal de l’impopularité.
Scénarisée par un Maître Abdoulaye Wade acculé par l’âge, la double victimisation a déjà donné un premier résultat probant et est en phase de produire une invraisemblable métamorphose. L’enfant gâté est entré aux bois. Il en ressortira aussi lisse qu’un miroir…
[1] Jeune Afrique du 21/01/2008
[2] Télégramme diplomatique américain révélé par Wikileaks le 18 février 2010
[3] -Marcia S. Bernicat, Ambassadeur des USA au Sénégal et en Guinée-Bissau (Juin 2008-juillet 2011)
[4] Télégramme diplomatique américain révélé par Wikileaks le 18 février 2010