Une vision d’une Afrique libre, fière et rayonnante, c’est celle que l’écrivain et économiste Felwine Sarr promeut dans son nouveau livre «Afrotopia». L’ouvrage, un essai de 155 pages et publié chez Phillipe Rey, a été présenté samedi, à la librairieAthéna. «Afrotopia» est une invite aux Africains de penser le continent autrement. De se départir de cette forme d’aliénation qui n’a que trop duré. Déjà sur la quatrième de couverture, l’auteur rassure «l’Afrique n’a personne à rattraper. Elle ne doit plus courir sur les sentiers qu’on lui indique, mais marcher prestement sur le chemin qu’elle se sera choisi».
Pour le journaliste Vieux Savané qui assurait la lecture critique, l’auteur met en garde dans «Afrotopia» contre la diffusion «insidieuse» de concepts occidentaux dans les cerveaux africains. Et ceci à travers «des mots balises et mots passe-partout comme développement, émergence, croissance». Vieux Sané estime que ces mots, parfois utiliser comme pour laver le cerveau des Africains, finissent par les installer dans une course poursuite. «Felwine invite par conséquent à s’affranchir des critères occidentaux qui se complaisent dans les catégories qui ne sont que quantitatives, parce que l’on ne peut pas se faire avec la natte des autres. Le continent est invité à prendre conscience pour choisir son propre chemin», note le journaliste. En revanche, précise-t-il, il ne s’agit pas de vivre «en autarcie» ou «d’être recroquevillé sur soi-même», «parce que l’Afrique ne saurait se soustraire ni au bonheur, ni au malheur du monde que nous avons en partage».
Il estime qu’à travers cette invite de Felwine Sarr, subsiste la nécessité de dérouler une pensée autonome et endogène, «de sortir de cette crise de l’initiative». Car pour le journaliste, il ne s’agit pas de reproduire de pâles copies des villes occidentales comme l’avait prophétisé le chanteur Pacheco qui disait qu’en l’an 2000, Dakar sera comme Paris. «Nos villes doivent plutôt nous ressembler, refléter notre singularité».
Comme le note l’auteur lui-même, qui a aussi abordé la dimension psychologique dans son livre, des siècles d’aliénation et d’asservissement «qui ont laissé des traces dans la personnalité des africains» et traduits par des blessures narcissiques qui s’expriment sous la forme d’un complexe d’infériorité voire une forme abyssale d’un manque de confiance en soi ; ne peuvent pas disparaître d’un coup après cinquante ans d’indépendance. C’est, dit-il, un processus qui prendra du temps, mais qui doit être voulu par l’ensemble du continent. «Etre sujet de sa propre histoire, suppose de pouvoir développer une attitude de distanciation critique vis-à-vis à la fois du savoir occidental mais aussi des discours adjugent, en empruntant le même paradigme et chaine de pensée de l’Occident qui ont expulsé l’Afrique de l’histoire», indique Vieux Savané, journaliste à Sud Quotidien.
Pas un livre d’économie
Bien que l’aspect économique ait été abordé dans «Afrotopia», pour le professeur en philosophie, Bado Ndoye, le livre ne doit pas être considéré comme traitant exclusivement de l’économie. «Ce livre n’est pas du tout un livre d’économie, cette discipline scientifique est certes présente, mais seulement en tant que problématique. Elle lui sert à donner toute cette dimension humaine, qui est fondé sur un certain nombre de postulat», précise-t-il.
Pour Felwine Sarr, la dimension économique pure ne s’est pas invitée dans son essai parce qu’elle «allait phagocyter le débat sur la question sociétale». Le professeur Ndoye a aussi salué le choix du titre. Pour lui, l’utopie ici ne renvoie pas à ce qui est irréalisable, «au contraire, l’utopie renvoie a un idéal». Car note-il, on peut considérer l’utopie ici comme «un principe d’émancipation», car il existe «une nécessité d’utopie en Afrique».
Scheina ADAYA