Quel rapport entretenons-nous avec le livre ? Cette question qui a fait l’objet de plusieurs conférences auparavant, était le principal sujet de réflexion à la rencontre mensuelle de l’Institut fondamental de l’Afrique noire (Ifan) hier, tenue sur le thème des politiques culturelles. L’ancien ministre de la Culture de Abdou Diouf, Abdoulaye Elimane Kane et la romancière Aminata Sow Fall étaient les animateurs du débat. Ce qui fait la spécificité du livre, note le philosophe Kane, c’est qu’il est un objet physique avec lequel «nous entretenons un rapport charnel», une relation que l’on n’a pas avec le numérique. «Le livre a un prestige qui est assez particulier, il véhicule le rêve, l’utopie, ses bienfaits sont aussi vitaux que la nourriture, on ne peut pas se nourrir sans nourrir l’esprit», consent l’ex-ministre et auteur. Il exhorte aussi les jeunes à s’intéresser à toutes les formes de lecture «à condition d’avoir le sens du discernement». Car explique Abdoulaye Elimane Kane, le plaisir de lire constitue un aiguillon aux études, à aller de l’avant et aussi une possibilité de rattraper les handicaps sociaux et culturels.
Pour la romancière Aminata Sow Fall, l’accessibilité du livre reste le moyen le plus sûr pour inciter à la lecture. Pour l’auteur de«La Grève des bàttu ou les déchets humains» (1979), lauréate du Grand prix littéraire d’Afrique noire en 1980, dire «il faut lire»sans qu’il n’y ait pas des moyens derrière est presque comme un slogan sans écho. «Il faut amener la lecture vers la population, mettre la lecture à la portée des gens et créer des conditions pour que cela attire».
Et pour cela, préconise-t-elle, il faut entreprendre des actions en mettant dans chaque quartier, une petite carte et y installer des bibliothèques. «Ce n’est pas parce que les jeunes ne lisent plus, c’est tout simplement qu’ils n’ont plus accès aux livres et rien n’est fait pour les inciter à la lecture. Si ces actions sont menées comme on le faisait avant, vous verrez comment les jeunes fréquenteront ces bibliothèques».
Même si certains constatent le contraire, car pour eux, le livre plus principalement, la lecture, ne fait plus partie des préoccupations majeures de la population et ce depuis l’apparition des nouvelles technologies de l’information et de la communication. Pour l’ancien ministre de la Culture Abdoulaye Elimane Kane, le livre qui était tout puissant à l’époque, perd désormais du terrain. La cause du déclin ? La concurrence entre le livre physique et le numérique est bien réelle, même si croit Kane, les gens ont tendance à «exagérer sur la force de l’image par rapport au livre». Le philosophe reconnait qu’avec l’arrivée de la télévision, les rapports que nous entretenons entre nous ont changé. «Nous avions une vie communautaire très riche, mais depuis que la télévision est arrivée, les enfants ne regardent plus la grand-mère, mais l’écran», regrette-t-il.