On raconte que le président Nixon avait nommé à un haut poste un de ses détracteurs. Ses proches lui demandant pourquoi il faisait cela, il aurait répondu : «Un salopard comme lui, mieux vaut l’avoir à l’intérieur qu’à l’extérieur». C’est sans doute ce qui explique la présence de Souleymane Jules Diop dans le gouvernement de Macky Sall.
«Da may waxtaan ak sama benn xarit fan yële, ma ne ko “Bu ñu demee ba Macky Sall am parti politique, c’est que problème am na Sénégal, c’est que problème am na. Ablaye Wade nak, mooy defar nit, mooy yàq nit. C’est que problème am na. Bu ñu demee ba Macky nekk leader de parti, problème am na. Jamais ci vie’am, jamais musul xalaat wala préparé wu psychologiquement ne mën naa nekk un leader de parti. Jamais ! Jamais ! Bu xalaatoon ba xalaat bi sori ci loo xam ne am na yaakaar ne moom mën na koo nekk, mooy chef de service ci Petrosen. Ablaye Wade mooy jël nit, en l’espace d’un temps, ci juroomi at, mu def la ministre, def la directeur général, def la ministre, def la Premier ministre, def la Premier président Assemblée nationale, ba noppi ne la yaa fi daqqa jàng, yaa fi gëna mën sa ligéey, ya mën ci ñéep. Loolu, Ablaye Wade ‘a ko mën. Moo tax yàq na Sénégal parce que da fa juddu loo ambition ci boppi ay nit ñoo xam ne xaju ci.»
Un nommé Alndanane a ainsi résumé et traduit cette croustillante déclaration de Jules Diop : «Lorsque les choses tournent jusqu’à ce que Macky Sall ait un parti politique, c’est qu’il y a un problème au Sénégal. Jamais de sa vie, Macky ne devrait penser qu’il peut être un leader de parti. Il devait savoir qu’il ne peut devenir qu’un chef de service à Petrosen. S’il peut se permettre de rêver, c’est la faute à Abdoulaye Wade qui l’a nommé Directeur général, ministre, Premier ministre, président de l’Assemblée nationale en l’espace de cinq ans. Ainsi, Wade a mis dans la tête de Macky Sall des ambitions que Macky ne peut supporter.»
Vu comment Macky gère le pays, force est de reconnaître que Jules avait vu juste. Pourquoi donc est-il devenu aujourd’hui un ardent défenseur de Macky l’incapable, Macky le «yaafuus» ? De l’opportunisme et rien d’autre. Quand il était évident que Wade allait perdre le pouvoir, Moustapha Niass était le mieux placé pour le remplacer. Alors, Jules Diop criait partout qu’il soutenait Niass. Puis, quand à la surprise générale, Macky prit les devants, Jules Diop ravala ses vomissures et se mit à chanter les louanges du «yaafuus», lui qui prétendait ne vouloir aucun poste dans le gouvernement. On se souvient de ses larmes de crocodile quand Macky fut élu. Cim ! Macky jugea qu’il fallait l’avoir à l’intérieur plutôt qu’à l’extérieur. Il le nomma chef du Bureau économique à l’ambassade du Sénégal à Bruxelles. Monsieur y fit long feu. Macky le nomma chargé de la communication du président de la République, il devint encombrant au palais. Macky créa pour lui le poste inutile de secrétaire d’Etat chargé des Sénégalais de l’extérieur, il sema la pagaille au ministère de Mankeur Ndiaye. Macky le nomma alors secrétaire d’Etat auprès du Premier ministre chargé du suivi du Pudc. Tout cela pour que le bonhomme se taise. Hélas, monsieur ne peut pas retenir sa langue. Il se veut toujours sur le devant de la scène.
Avant même que Macky ne parle de référendum, nous avons vu Jules Diop, lors d’un meeting à Pikine, déclarer que Macky est élu pour sept ans et non cinq ans, militant ainsi pour le «wax-waxeet» qui se préparait, foulant au pied les valeurs que, jadis, il prétendait défendre. Et aujourd’hui qu’il a deux ans de plus pour s’engraisser sur le dos du peuple sénégalais, il ose dire : «J’étais parmi ceux qui trouvent que quatorze ans, c’est trop. Même douze ans, c’est trop.» Voila un personnage qui n’a aucune dignité et prend les gens pour des cons. Pour citer tous ses mensonges et contradictions, il faudrait écrire un livre. Doté d’une effarante malhonnêteté intellectuelle et d’un égo pharaonique, il use à outrance de l’injure, la calomnie et la manipulation. Il connaît tout et a été témoin de tout. Vaniteux et fabulateur hors pair, il est capable de raconter que Dieu l’avait consulté avant de créer le monde. Et c’est cet énergumène qui se permet de dire que ceux qui appellent à voter Non au référendum sont dans l’erreur. Si en 2019, Macky décide que le mandat écoulé n’est pas pris en compte par la nouvelle Constitution, Jules Diop deviendra «constitutionnaliste» pour lui donner raison.
On ne peut pas comparer Abdou Latif Coulibaly à Souleymane Jules Diop. Latif a toujours de la dignité et il lui reste un peu de crédibilité. Nul ne peut lui reprocher son entrée dans le gouvernement. Nous étions nombreux à souhaiter qu’il devienne président de la République. Il n’avait pas, comme Jules Diop, fait des appels du pied à Niass pour ensuite plébisciter Macky dans le seul but d’être casé quelque part. Après l’élection de Kor Marème, Latif avait dit que s’il est sollicité pour entrer dans le gouvernement, il dira Oui. On l’a appelé et il a accepté. Ministre de la Bonne gouvernance. Il avait la tête de l’emploi. Je ne doute point qu’il était sincère et ne voulait que servir son pays. Par la suite, il est devenu méconnaissable. C’est affligeant de le voir fermer les yeux sur ce qu’il dénonçait sous Wade et défendre l’indéfendable. Il est permis de douter de sa bonne foi, car il est assez intelligent pour savoir que Macky l’a mis à l’intérieur juste pour ne pas l’avoir à l’extérieur. D’un poste à un autre, il reste toujours dedans et cela semble lui convenir à tel point qu’il a écrit un livre de plus de 400 pages à la gloire de Macky Sall. Quelle déception !
Tenez, un étudiant lui demande des éclaircissements sur ce que Macky appelle : «La reconnaissance de nouveaux droits aux citoyens : droits à un environnement sain, sur leurs ressources naturelles et leur patrimoine foncier.» Il bafouille. L’étudiant lui signale que le droit à un environnement sain est déjà dans la loi. Le grand Latif lui répond : «La différence maintenant, c’est qu’on l’a mis dans la Constitution.» Comment peut-il ignorer que la Constitution de 2001 dit clairement dans son article 8 que «la République du Sénégal garantit à tous les citoyens les libertés individuelles fondamentales, les droits économiques et sociaux ainsi que les droits collectifs» et que parmi ces libertés et droits figure le droit à un environnement sain ? Qu’y a-t-il donc de nouveau ? En fait, c’est comme dire aux populations de voter pour la création de nouvelles villes : Dakar, Thiès et Mackyland. C’est absurde et suspect. Le Mackyland ici, c’est le droit obscur sur les ressources naturelles et le patrimoine foncier. Là-dessus l’article 15 de la Constitution de 2001 est assez clair. Que veut donc Macky Sall ? Mouth Bane a bien expliqué le piège. Mais Latif, l’homme de la transparence et de la bonne gouvernance, opte pour l’opacité.
Vous pouvez lire cent fois le texte définitif du référendum, vous n’y comprendrez pas grand-chose. Tout est flou. Et on a bien raison de croire que les «nouveaux droits» seront ceux des homosexuels. Vous savez, en France, c’est avec des textes de ce genre qu’on a imposé le mariage gay. Etape par étape. On avait commencé par le Pacs (Pacte civil de solidarité) qui dit, sans mentionner le mot homosexuel, que deux personnes majeures peuvent, indépendamment de leur sexe, vivre légalement en couple, comme si elles étaient mariées. Immédiatement, certains esprits avertis avaient soupçonné que le but était d’aboutir au mariage homosexuel. Elisabeth Guigou, alors garde des Sceaux, avait déclaré : «Le Pacs est radicalement différent du mariage parce qu’il n’est pas question, ni aujourd’hui ni demain, que deux personnes physiques du même sexe, quel que soit leur sexe, puissent se marier.»
Une fois le Pacs accepté, on légalisa le mariage gay sous l’appellation «mariage pour tous», toujours sans mentionner le mot homosexuel, et Mme Guigou avoua qu’elle avait menti pour faire passer le projet. Abdou Latif Coulibaly est bien placé pour savoir tout cela. Qu’il se taise donc au lieu de dire que les nouveaux droits dont parle Macky Sall n’ont rien à voir avec l’homosexualité. N’est-ce pas Macky qui a dit que les Sénégalais ne sont pas encore prêts pour la dépénalisation de l’homosexualité, mais qu’il va gérer le problème de façon moderne et veut absolument «moderniser» les lois de la République ?
Youssou Ndour, lui, qu’on le veuille ou non, inspire l’admiration ou du moins le respect. Hélas, nul n’est parfait. Politicien, il fut, à mon avis, le meilleur ministre de la Culture sous Macky Sall. Il fut viré peut-être parce qu’il prenait trop de place. Tout comme Jules Diop et Latif, on le fait valser d’un poste à un autre, mais on tient à ce qu’il reste à l’intérieur. De ministre de la Culture et du Tourisme, il devint ministre du Tourisme et des Loisirs, avant d’atterrir chez les «dames de compagnie» au Palais. Il dira qu’il a voulu quitter le gouvernement, mais on l’y a maintenu en le nommant ministre conseiller. Conseiller en quoi ? «Payé à ne rien foutre», comme chantait son ami Jacques Higelin. Maintenant, il appelle à voter Oui au référendum sans se soucier des conséquences. Son attitude cependant n’est pas surprenante pour ceux qui se souviennent de son compagnonnage avec le président Wade. Son «Fekkee ma ci boole» est devenu «Intérêt personnel’a ma ci boole». Voilà comment l’idole tombe de son piédestal. Au lieu de délirer jusqu’à se prétendre seul patron de Dakar, il ferait mieux de se limiter à sa musique pour ne pas ternir son image aux yeux des générations futures. Xaalis neex na lool, waaye jarul yenn yi.
Certes «lafañ, boroomi mbaam lay faral», mais Jules Diop, Latif et You sont payés pour se taire. Qu’ils aient donc la décence de raser les murs et laissent d’autres s’exprimer.
Bathie Ngoye THIAM