La réforme foncière en cours risque de capoter si la commission nationale qui en a la charge ne tient pas en compte les recommandations des organisations de la société civile. Ces dernières ont relevé, hier, des manquements graves dans le rapport final de la commission qui doit être déposé sur la table du président de la République dans les prochains jours.
Les préoccupations des populations doivent doit être entièrement prises en compte dans la réforme foncière en cours. Cela, avant même le dépôt du rapport final sur la table du chef de l’Etat. En effet, il ressort de l’analyse des acteurs de la société civile, réunis hier au siège du Cncr, que la commission n’a pas tenu compte des pratiques foncières qui sont largement dominées par le droit coutumier. Cela, en dépit de l’existence de la loi sur le domaine national. Pis, ils soutiennent que dans son rapport, la commission n’a pas fait une analyse suffisante des stratégies des différents groupes d’acteurs et des questions liées à la gouvernance foncière. De même, ces organisations de la société civile estiment que la commission nationale de la réforme foncière a fait une analyse de l’accès des acteurs qui laisse en rade les exploitations familiales et se focalise uniquement sur les femmes et les jeunes.
Ces acteurs de la société civile reprochent également à la commission d’avoir renoncé à la restitution du rapport au niveau des zones agro-écologiques comme cela était écrit dans sa feuille de route. Le Secrétaire général du Conseil national et de coopération des ruraux (Cncr), Baba Ngom, a rappelé que la réforme en cours ne doit pas être une réforme de plus. Ainsi, il préconise une loi sur le domaine national au lieu d’élaborer une nouvelle qui ne tiendrait pas compte des réalités, des sensibilités et des préoccupations des populations. «La réforme qui arrive ne doit pas être du changer pour changer. Elle doit savoir qu’il y a quelque chose qui est là, la loi sur le domaine national. Il y a des choses qui sont positives dans cette loi. Parce que c’est elle qui a permis de préserver le foncier sénégalais. Elle ne devrait pas être effacée de l’histoire de notre pays», a déclaré Baba Ngom. Qui signale à la commission qu’il ne s’agit pas d’une course mais d’un travail de longue haleine sur une question extrêmement sensible nécessitant la prise en compte des préoccupations des populations à la base. «Il y a des acteurs qui ont été rencontrés mais est-ce que ce sont les vrais et les bons acteurs qu’il fallait rencontrer. En Casamance, il y a des zones où vous ne pouvez pas parler de terres si vous n’avez pas un certain âge, une certaine notoriété ou une autorisation. Donc, il faut rencontrer les personnes responsables pour discuter de ces terres», a-t-il préconisé. D’ailleurs, il recommande à la commission de tenir compte des éléments contenus dans le document produit par les acteurs de la société civile. Car, argue-t-il, la commission ne peut pas être partout. «Nous avons rencontré des paysans et des paysannes qui croient fermement que les terres qu’ils ont hérité de leurs ancêtres leurs appartiennent. C’est ce que les gens prennent en compte et c’est ce qu’ils considèrent comme la vérité», a-t-il expliqué.
La coordinatrice d’Enda-Pronat, Mariama Sow, a indiqué que la loi sur le domaine national est impeccable. Seulement, regrette-t-elle, il y a eu une mauvaise utilisation de cette loi. «S’il n’y avait pas la loi sur le domaine national, aujourd’hui, je ne pense pas qu’il allait rester des terres à reformer. Donc, l’esprit de la loi doit être gardé», a-t-elle souligné.