Si Idrissa Seck a eu un parcours politique aussi chaotique, il le doit certes à ses propres actes incohérents, à ses choix non assumés, à ses volte-face incompréhensibles, mais aussi à son caractère détestable que subit son entourage. Ego démesuré, décisions arbitraires, autoritarisme, manque de reconnaissance et même de simple politesse ont causé la rupture entre lui et la plupart de ses compagnons de route qui l’ont quitté.
Idy Seck est victime de ses propres turpitudes qui écornent indubitablement son leadership. La saignée que subit son parti Rewmi n’étonne personne. Les fidèles les plus rigoureux comme Oumar Sarr ont fini par rompre avec lui comme le furent Oumar Guèye, Pape Diouf, Ousmane Thiongane, Waly Fall, Daouda Faye, Fatou Sock, Awa Guèye Kébé. Et beaucoup d’autres avant et après eux. Tous ces départs ne sont pas le fruit du hasard ou d’une volonté de transhumance. Beaucoup en ont eu marre de la gestion dictatoriale du parti exercée par Idrissa Seck. Ils ne pouvaient plus supporter ses oukases et son comportement méprisant. Ils le lui ont signifié en claquant la porte, illustrant ainsi l’adage wolof qui dit que «s’unir et agir ensemble c’est bien ; mais en cas de rupture chacun peut aller de son côté» (lungo nexna; wayé ko bayi mu dem aki mbagam).
Rewmi s’étiole depuis 2007 et les résultats en chute libre de l’ex-Premier ministre le prouvent incontestablement. Il ne faut pas s’illusionner devant cette réalité cruelle qui consacre un rejet massif de l’électorat sanctionnant ses démarches ambiguës, notamment ses «aller-retour» au palais pour négocier avec Wade qui témoignent d’un manque criard de perspicacité politique. Cet épisode qui s’est déroulé peu après sa libération de prison a acté, pour ainsi dire, la défiance entre le peuple et l’ex-édile de la cité du rail. Il est devenu clair pour les électeurs que Idy Seck n’était pas digne de confiance, qu’il est versatile et combinard. A ce jeu, il a été battu par son maître le bien nommé Wade. Depuis, Idy n’a pas appris sa leçon et continue de sombrer corps et parti dans l’estime des citoyens.
La question est de savoir si Idy peut changer et la réponse est non. C’est pourquoi même ses proches sont très souvent dans des relations compliquées avec lui. Son attitude vis-à-vis de son cousin germain Alioune Badara Niang qui n’a ménagé aucun effort pour promouvoir sa carrière politique est lamentable. Il ne s’est jamais rendu chez lui pour une simple visite de courtoisie. Pire, il s’était opposé à sa nomination comme ministre par Wade. Pourquoi ?
Le problème avec Idy, c’est qu’il surjoue un personnage plus grand que nature qu’il n’incarne pas. Il n’a pas pu saisir la chance inouïe que Wade lui a offerte de diriger le Palais et d’avoir la haute main sur le choix des députés Pds, bref de contrôler l’essentiel du pouvoir. S’il a tout perdu et s’est retrouvé à Rebeuss, il doit reconnaître sa propre incapacité à pouvoir conserver une si exceptionnelle position dominante. C’est bien lui qui a introduit «le loup Karim Wade» dans la bergerie avec l’idée machiavélique de le rendre aussi impopulaire que l’homme qu’il avait lui-même remplacé. La manœuvre a échoué, en tout cas pour le bénéfice politique qu’il voulait en tirer.
Macky Sall lui a brûlé la politesse et c’est ce qu’il ne peut pas lui pardonner. Pourtant c’est lui qui a fait des bourdes politiques énormes qui ont fait basculer son destin politique : qui est allé négocier avec Wade ? Contrairement à Macky Sall qui, lui, a assumé une rupture totale avec Wade et a montré aux Sénégalais un caractère ferme et résolu. Idy Seck a joué le ndiombor et s’est cramé la queue. Le seul fautif dans cette affaire, c’est lui-même et les Sénégalais n’ont pas la mémoire courte.
Le malaise Idy Seck est une question de comportement, de choix politiques douteux, de revirements qui laissent perplexes, de leadership tortueux marqué par un manque de sérénité et de lucidité. Un travail sur lui-même, une introspection de longue durée pour apprendre la modestie feraient le plus grand bien à un homme qui ne manque pas de qualités par ailleurs. Mais qui crée le malaise partout où il passe en essayant de jouer un personnage hors du commun qu’il n’est pas.