Parti conduire une mission de médiation à Ouagadougou, le Président Macky Sall va devoir faire face à la colère d’une bonne partie de la population burkinabè qui ne comprend pas «l’impunité» que le «projet d’accord politique» de la Cedeao veut accorder aux auteurs du putsch du 17 septembre dernier.
«Je resterai le temps qu’il faudra.» C’est la déclaration faite par Macky Sall à son arrivée vendredi à Ouagadougou. Et le président en exercice de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) venait de tomber dans un premier piège. Un piège qu’il s’est lui-même tendu. La médiation qu’il conduit actuellement au Burkina Faso s’est révélée beaucoup plus compliquée que celle menée, il y a un an, après la chute de Blaise Compaoré. Puisque faire revenir Diendéré et son camp à la raison s’est révélé être une mission quasi impossible jusqu’à hier dimanche avec le «projet d’accord politique» proposé par la Cedeao. Seulement, ce projet d’accord est d’ores et déjà rejeté par plusieurs franges de la société burkinabè.
En réalité, la difficulté de la médiation de la Cedeao a été accentuée dès samedi soir par le Président Boni Yayi du Bénin. En effet, annonçant samedi dans la soirée «une bonne nouvelle» attendue dimanche, Yayi Boni a ajouté : «Lorsque j’ai dit que le général est dans de bonnes dispositions d’esprit oui, je suis en mesure de dire que c’est le retour à la transition. Oui.» Seulement, à la question de savoir si cette transition sera conduite par Michel Kafando, le président béninois lance, sibyllin : «Je ne crois pas.» Tout ce qu’il ne fallait pas dire. Puisque cette dernière phrase a soulevé l’ire de nombreux Burkinabè, notamment les plus jeunes. Yayi Boni ayant pris l’avion après avoir lâché sa bombe, Macky Sall devait donc en subir les conséquences. Résultat : des heurts ont éclaté, dimanche matin, entre militants de la société civile et partisans des putschistes devant l’hôtel Laico où séjourne le Président sénégalais et où se déroulent les discussions. Heureusement que le calme est revenu avant que les choses ne débordent.
C’est finalement hier un peu après 18 heures que le président de la Commission de la Cedeao, Kadré Désiré Ouedraogo, a lu le «projet d’accord» obtenu grâce à la médiation de Macky Sall et qui sera soumis à l’Union africaine (Ua) demain mardi. Selon France24, le projet prévoit : «la restauration des institutions de la transition et du Prédisent Kafando», «la libération sans condition de toutes les personnes détenues suite aux événements», «l’acceptation du pardon et une loi d’amnistie sur les événements consécutifs au coup d’État», «la poursuite du processus électoral» au plus tard le 22 novembre, alors que jusqu’ici, les élections étaient fixées au 11 octobre. Le projet d’accord prévoit également que «les personnes dont les candidatures ont été invalidées seront autorisées à participer aux prochaines élections». Une grande satisfaction pour les putschistes et les héritiers politiques de Blaise Compaoré. Quant au sort du Régiment de sécurité présidentielle (Rsp), à l’origine du coup d’Etat jeudi et dirigé par le Général Gilbert Diendéré, il sera «laissé à l’appréciation du président issu des prochaines élections», renseigne le site de France24.
«La Cedeao nous manipule depuis le début»
A peine rendu public que le «projet d’accord» de Macky Sall est rejeté par certains Burkinabè. Et le premier d’entre eux est Moumina Cheriff Sy, président du Conseil national de transition (Cnt). Celui qui s’est autoproclamé chef de la transition après le putsch du 17 septembre a publié une déclaration pour exprimer son opposition à la proposition du président en exercice de la Cedeao. Après avoir cité les propositions faites par la Cedeao, Sy ajoute : «Dans le principe, je ne saurai cautionner de telles propositions qui nous poussent à passer par pertes et profits au moins dix (10) morts et plus de 113 blessés que nous avons officiellement enregistrés depuis le début de cette forfaiture. C’est pourquoi, je demande aux partis et organisations politiques, Organisations de la société civile (Osc) engagés dans le débat avec les médiateurs de la Cedeao de rester vigilants et intransigeants.» Le président du Cnt va même plus loin en demandant «la dissolution immédiate du Rsp et la mise à disposition de son personnel à l’état-major général des Armées pour redéploiement», mais aussi «l’arrestation du général Gilbert Diendéré ainsi que des officiers qui se sont ralliés à sa forfaiture pour qu’ils répondent de leurs actes». Et d’avertir : «Aucun autre point n’est négociable. Autrement, notre peuple continuera de lutter jusqu’au prix de sa vie.»
Faisant écho à Moumina Cheriff Sy, le mouvement du «Balai citoyen», le «Y en a marre» burkinabè, a choisi sa page Facebook pour dire non à Macky Sall. Dans un post publié hier vers 19 heures, les dirigeants du «Balai citoyen» écrivent : «On ne lâche rien du tout. La Cedeao nous manipule depuis le début.» Et d’avertir : «Nous rejetons ce projet d’accord avec la dernière énergie. Finies les négociations stériles avec des terroristes.» «Terroristes» est aussi le vocable choisi par l’Union africaine pour qualifier ceux avec qui Macky Sall négocie depuis vendredi dernier. Alors, Boubacar Zouré, membre du «Balai citoyen», s’adresse directement à Macky Sall en postant ce message : «Pourquoi toi M. le Président Macky Sall tu n’as pas accordé l’amnistie à Wade et à sa famille. Pourquoi vous ne les avez pas pardonnés»